Les Sauveteurs en Mer en alerte au carnaval de Granville

Le carna­val de Gran­ville (Manche) s’est déroulé du 17 au 21 février 2023. Des béné­voles de la SNSM venus de toute la France ont garanti la sécu­rité de l’évé­ne­ment. Une vigi­lance perma­nente, de jour comme de nuit, au milieu d’une immense ferveur popu­laire.

Les Sauveteurs en Mer ont assuré le bon déroulement du carnaval de Granville
Les Sauveteurs en Mer ont assuré le bon déroulement du carnaval de Granville © Rémy Videau

Des vikings et des grognards napo­léo­niens chantent ensemble au milieu de grands chars colo­rés. Un peu plus loin, des cow-boys s’amusent avec des enfants sous une pluie de confet­tis. La fête bat son plein au carna­val de Gran­ville. En ce début d’après-midi du mardi 21 février, 46 chars s’ap­prêtent à déva­ler la grande avenue prin­ci­pale vers le port. Cette « caval­cade » est la quatrième et dernière de ce week-end festif.

Ils ne sont pas les seuls à se prépa­rer. Une tren­taine de béné­voles de la SNSM véri­fient leur maté­riel de secours quelques mètres plus loin. David, patron suppléant de la station de Gran­ville, prend la parole. « Vous faites tous partie d’une équipe, rappelle-t-il. J’en­ver­rai un trinôme tous les trois chars pour nous répar­tir effi­ca­ce­ment. » Le centre-ville est noir de monde. Pas de quoi impres­sion­ner David, qui a douze carna­vals à son actif. « J’ai d’abord orga­nisé l’évé­ne­ment en tant que carna­va­lier, explique l’homme à la queue de cheval. Main­te­nant je le fais en tant que coor­di­na­teur secours. »

13h30, la caval­cade débute. Les chars défilent en fanfare dans une atmo­sphère joviale. Les plus petits admirent le défilé depuis les épaules de leurs parents. Dimanche, il y avait 150 000 indi­vi­dus pour la Grande caval­cade. Ils sont aujour­d’hui 40 000 à jeter des confet­tis sur les carna­va­liers qui passent devant eux, musique à fond. Le cortège se dirige vers le port où le roi va être jugé pour les bêtises des carna­va­liers. La SNSM assure une mission de surveillance et de secours. 51 sauve­teurs sont déployés ce mardi contre 96 dimanche. C’est l’un des plus gros dispo­si­tifs de secours de l’an­née. Quelques crises de panique, trau­ma­tismes et hémor­ra­gies ont été gérés par les béné­voles tout au long du week-end.

 

Les bénévoles de la SNSM sont vigilants au carnaval de Granville
Les Sauve­teurs en Mer sont sur le qui-vive, prêts à inter­ve­nir.

Première inter­ven­tion pour une jeune nageuse sauve­teuse

Tous ne sont pas dans la rue au contact des carna­va­liers. Une dizaine de sauve­teurs est au poste de secours central. Il abrite tout le reste du maté­riel de secours dans une grande tente aux allures d’hô­pi­tal mili­taire. « On se tient prêt à accueillir des victimes à tout moment  », indique Émile, membre du CFI Ille-et-Vilaine et chef d’équipe. Les inter­ven­tions peuvent surve­nir à tout moment. Nageur sauve­teur au centre de forma­tion et d’in­ter­ven­tion (CFI) de Paris, Simon est venu de la capi­tale pour parti­ci­per au carna­val. « Je savais que c’était un gros dispo­si­tif et je voulais acqué­rir de l’ex­pé­rience, raconte-t-il emmi­tou­flé dans son cache-cou. J’ai posé des congés pour y parti­ci­per. »

Soudain, la radio d’Émile crépite. «  Équipe mairie 1, équipe mairie 1, ça va être à vous ! » s’ex­clame-t-il. Une équipe de sauve­teurs amène une jeune fille de 16 ans présen­tée comme alcoo­li­sée. Les secou­ristes s’af­fairent pour tout prépa­rer. Parmi eux Juliette, un peu stres­sée. Elle n’a validé ses diplômes de secou­risme qu’il y a deux mois dans son CFI, au Havre. Elle s’ap­prête à vivre sa première inter­ven­tion réelle. L’adré­na­line monte, son ventre se noue. « Tu préfères que je note, demande-t-elle à Simon en enfi­lant nerveu­se­ment ses gants. Où que je prenne une tension ? » Le Pari­sien et quelques cama­rades havrais la rassurent.

La victime arrive quelques minutes plus tard. Elle est déso­rien­tée. Les béné­voles commencent à prendre tension et pouls tout en lui parlant. Les phrases de la jeune femme sont vides de sens. Elle semble perdue. Peut-être n’a-t-elle pas seule­ment bu. La jeune fille sera récu­pé­rée par sa mère deux heures plus tard. « Elle disait tout et son contraire en peu de temps, décrit Juliette. Je ne suis pas près d’ou­blier cette première inter­ven­tion. » La Havraise a pu consta­ter que l’ac­ti­vité opéra­tion­nelle arrive par vague. « On peut rester deux heures sans agir puis avoir trois victimes en dix minutes, » conclut la béné­vole de 18 ans.

Bénévole de la SNSM surveillant un char
Les béné­voles sont répar­tis sur l’en­semble de la caval­cade.

La bataille de confet­tis fait rage

Au même moment, le juge­ment du roi du carna­val approche. Coupable, il est brûlé dans le port de Gran­ville face aux applau­dis­se­ments et aux cris de joie. La musique repart de plus belle sur les 46 chars. Tous convergent vers le dernier feu d’ar­ti­fice : la bataille de confet­tis. « Petits et grands, tout le monde s’amuse sans excep­tion, décrit Marc, nageur sauve­teur du CFI Ille-et-Vilaine. »

La crise sani­taire a privé les carna­va­liers de ces moments pendant deux ans. « C’est la 149ème édition du carna­val. C’est sacré ici, rapporte Elouan, né à Gran­ville et nageur sauve­teur au CFI Manche. Les carna­va­liers qui partaient pour Terre-Neuve rece­vaient plusieurs mois de salaire en avance et les dépen­saient dans les bars. » La foule se masse sur la place du Géné­ral de Gaulle. Des trinômes de sauve­teurs sont répar­tis dans cet attrou­pe­ment compact.

David super­vise la zone depuis les toits. « Je me perche toujours pour avoir une vue d’en­semble, explique-t-il. Je peux voir des choses qu’on ne voit pas au milieu de la foule. » Soudain, les chars déversent d’im­menses sacs de confet­tis sur la foule. « Il y a dix sacs de trente kilos par char, précise Elouan, des étoiles dans les yeux face à la multi­tude de couleurs. Cela repré­sente entre six et sept tonnes de confet­tis sur l’en­semble du week-end.  »

La bataille fait rage. Plusieurs centi­mètres de confet­tis tapissent le sol de Gran­ville. Les gens les ramassent et les lancent joyeu­se­ment. « C’est la plus grosse bataille de confet­tis que j’ai vu depuis que je fais le carna­val  », relève David. Constat partagé par Elouan. Marc reçoit plusieurs salves mais sa vigi­lance ne faiblit pas. Il aver­tit succes­si­ve­ment plusieurs personnes qui esca­ladent les panneaux de signa­li­sa­tion. Certains ne sont pas rassu­rés par cette marée humaine. Ils paniquent. Un agora­phobe est pris en charge par les béné­voles deux rues plus loin. Il faut le calmer, le récon­for­ter.

Fina­le­ment, un cessez-le-feu inter­vient après quelques heures. Les béné­voles ont géré quelques malaises dans la foule, sans gravité. La jour­née n’est pas finie pour autant. Les équipes se restau­rant succes­si­ve­ment au poste de secours. Certains viennent d’ar­ri­ver pour prendre le relai. « Le dispo­si­tif sera levé à 3h du matin, annonce Émile. Ce sont les derniers moments, restons vigi­lants jusqu’au bout. »

Quelques équipes de sauve­teurs arpentent les rues jusqu’au milieu de la nuit. Les quelques victimes sont ivres ou simple­ment perdues. Les béné­voles sentent que la fin du week-end arrive. « Nous avons déjà hâte d’être à l’an­née prochaine, » sourit David. Tous repartent du carna­val avec des souve­nirs plein la tête et des confet­tis plein les vête­ments.

Article rédigé par Rémy Videau, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°164 (2ème trimestre 2023)

Elouan a redé­cou­vert l’évé­ne­ment en tant que sauve­teur

Gran­vil­lais de nais­sance, Elouan vient au festi­val depuis sa nais­sance. « Je n’en ai pas loupé un seul ! » affirme fière­ment le jeune homme de 19 ans. Il ne peut prendre part qu’au mardi cette année. « J’étais en forma­tion pour deve­nir forma­teur de secou­risme ce week-end, explique ce nageur sauve­teur du CFI Manche. Mais je ne pouvais pas louper le dernier jour du carna­val. » Il y a déjà parti­cipé dans tous les rôles possibles sauf… sauve­teur. «  Il faut rester vigi­lant à tout moment, décrit le jeune homme à la mous­tache blonde. On ne peut pas se permettre d’être distrait trop long­temps. » Sa présence est un atout pour son équipe. « Il connait le dérou­le­ment par cœur, indique Louise, béné­vole du CFI Manche. Tout le monde vient le saluer c’est une vraie star ici. » Elouan est comme un pois­son dans l’eau au carna­val de Gran­ville. Lorsque la bataille de confet­tis fait rage, tout le monde se gratte. Enfin, sauf Elouan. « Les confet­tis ne grattent plus quand on a l’ha­bi­tude d’en avoir partout, ironise-t-il. Tous les vrais gran­vil­lais vous le diront. »

RV